Connaissances


Laurent Le Pajolec
Membre du conseil d'administration d'A2A Polska, membre du comité ESG de Kreston Global

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Directeur général et actionnaire de sociétés de conseil avec une formation en marketing/développement des affaires et une formation financière avec une expérience directe dans plusieurs secteurs (immobilier, transport, Fintech, Legaltech, M&A, import-export, RH, restructuration). Membre du conseil d’administration d’Exco Polska.


Le rôle de la comptabilité dans la mise en œuvre de l’agenda de la durabilité

February 15, 2023

Quel est le rôle de la comptabilité dans le programme de développement durable et peut-elle sauver la planète ? Les cabinets comptables peuvent-ils rendre tangible l’intangible alors que les réglementations ESG entrent en vigueur dans chaque pays ? De la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à une entreprise motivée : Transformer un cabinet comptable en une entreprise responsable pour un monde meilleur.

Le rôle des cabinets d’expertise comptable et de conseil est-il de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Ayant dirigé un cabinet de comptabilité et de conseil depuis l’âge de 27 ans, j’ai la chance d’avoir mon mot à dire sur ce que je peux faire pour que mes enfants soient fiers de moi. En tant que père, je suis profondément préoccupé par le type de planète et de vie que nous laisserons à nos enfants en raison du changement climatique et de l’effondrement des systèmes biodiversifiés.

La comptabilité a toujours été en phase avec l’environnement. Des preuves de l’existence de systèmes de comptabilité et d’inventaire ont été découvertes en Égypte, 4000 ans avant J.-C., et bien sûr, la comptabilité en partie double a été créée par Luca Pacioli au 15e siècle.

La révolution industrielle a apporté de nouveaux concepts d’analyse et des rapports supplémentaires en raison de la nécessité de partager l’information entre les actionnaires et les membres du conseil d’administration. Ainsi, alors que nous sommes confrontés à la plus grande urgence écologique de notre époque, il n’est pas surprenant de voir une nouvelle évolution dans la comptabilité, la “comptabilité du triple capital” qui sera fournie par les entreprises (nouvelles méthodes telles que CARE, LIFTS, et autres).

Il est temps que le secteur de la comptabilité et du conseil prenne en main l’agenda du développement durable ! Comme moi, de nombreux professionnels du secteur souhaitent donner un sens à ce que nous faisons et travailler sur notre impact global. Notre secteur sera plus attractif et participera à l’amélioration de la planète. Nous serons un excellent exemple à suivre pour nos clients et les autres parties prenantes.

Comment pouvons-nous le faire ? J’ai moi-même entrepris ce voyage avec mon entreprise et j’espère vous montrer comment nous avons pris des mesures pour créer une entreprise “moderne, écologique et socialement responsable”, et comment nous sommes passés de la “RSE” à l’orientation vers un but précis. Notre objectif est de devenir un modèle dans notre secteur et d’utiliser l’influence que nous avons en tant que conseillers pour changer le monde.

La comptabilité au service de la mise en œuvre de la politique de développement durable

Deux grands exemples qui m’ont poussé à changer : 75% des écosystèmes terrestres sont dégradés à cause des activités humaines (rapport du GIEC) et la répartition en % des mammifères sur terre : 36% d’humains, 60% d’animaux domestiques et 4% d’animaux sauvages. (Nicolas Antheaume, professeur à l’université IAE de Nantes). Pour les lecteurs, il pourrait s’agir des neuf frontières planétaires ;

  • Appauvrissement de l’ozone stratosphérique
  • Perte de l’intégrité de la biosphère
  • Pollution chimique et libération de nouvelles entités,
  • Changement climatique
  • Acidification des océans
  • Consommation d’eau douce et cycle hydrologique mondial
  • Modification du système foncier
  • Flux d’azote et de phosphore vers la biosphère et les océans
  • Charge en aérosols atmosphériques

Crédit : “Azote pour le Stockholm Resilience Centre, sur la base des analyses de Persson et al 2022 et Steffen et al 2015”.

6 des 9 limites atteignent des niveaux dangereux. Au vu de ces chiffres, on comprend pourquoi les scientifiques ont peur et nous mettent en garde contre les risques pour notre planète.

Mais quel est le niveau de compréhension de mes parties prenantes ? En tant que partenaire, j’ai rédigé un plan stratégique ambitieux pour notre RSE. La réalité a été un désastre parce que j’étais la seule personne à la comprendre. J’ai oublié le pilier le plus important de la stratégie : l’éducation et l’aide à la prise de conscience de l’urgence écologique. Nous avons donc commencé par mettre en place un programme de sensibilisation destiné aux parties prenantes : employés, actionnaires/partenaires, clients et fournisseurs, et nous avons inclus les “neuf limites planétaires du centre de résilience de Stockholm” dans notre RSE.

Le programme de sensibilisation nous a permis de nous assurer que nos parties prenantes acquièrent des connaissances qui les aident à comprendre la stratégie de l’entreprise en matière de SRC. Nous utilisons par exemple des ressources matérielles et bien connues du centre de résilience de Stockholm, de l’OMS, de l’Unesco, du PNUE ou du GIEC (rapports sur le changement climatique). Nous préparons du matériel pour eux, comme des quiz écologiques et des bulletins d’information. En outre, dans notre entreprise, nous avons décidé d’organiser des ateliers éducatifs clés dans le cadre du plan de sensibilisation :

Climate Fresk (https://climatefresk.org/) (Vulgarisation des rapports du GIEC) et 2Tonnes workshop (https://en.2tonnes.org/) (Empreinte carbone individuelle).

Nous avons formé 3 animateurs dans nos entreprises qui donnent des conseils à tous les employés et qui présenteront ces ateliers aux nouveaux employés lors de leur intégration. Grâce à cette stratégie interne, nous serons sûrs d’être tous sur la même longueur d’onde.

Comme nous le disons en roumain : “Ai Carte, Ai Parte” – si vous avez l’éducation, vous avez un bel avenir. Après avoir formé le personnel, l’étape suivante consistait à mesurer notre impact.

Mesurer le net zéro

La deuxième étape a consisté à mesurer notre impact, à créer des indicateurs et à les inclure dans toutes nos décisions. Nous utilisons également des indicateurs pour comparer dans le temps afin de nous assurer que nous sommes sur la bonne voie. Le contrôle et la comptabilité ne suffisent peut-être pas à mesurer l’impact de vos activités. En général, les entreprises se concentrent sur les indicateurs clés de performance suivants : bénéfices, satisfaction des clients et des employés. Nous avons décidé d’inclure également les indicateurs suivants : évaluation énergétique, matrice SWOT des ressources, empreinte carbone, empreinte eau, impacts sur la biodiversité et les limites planétaires.

L’empreinte carbone aidera l’entreprise à identifier les postes prioritaires qui doivent être optimisés, réduits ou supprimés. Les analyses permettent de s’assurer que vous ne répercutez pas l’impact sur vos fournisseurs ou vos clients.

Focus sur l’initiative net zero : Pour offrir une alternative aux revendications simplistes de “neutralité carbone” et de “compensation” des entreprises, l’initiative net zéro propose un cadre de référence unique pour l’action du secteur privé en faveur du seul objectif de neutralité carbone qui vaille : celui de la planète et du territoire national. Pour structurer leur action climatique, les entreprises doivent distinguer trois types d’actions différentes, qui ne sont pas fongibles :

  • Réduction
  • Évitement
  • Séquestration

La priorité est la réduction. Les entreprises devraient maximiser leur contribution à la réduction des émissions et à l’augmentation des puits mondiaux en agissant sur trois leviers en parallèle :

A : Réduire leur empreinte directe et indirecte en suivant une trajectoire compatible avec une augmentation de 1,5°C.
B : Aider les autres à réduire, par la vente de produits et de services décarbonisés et le financement de projets d’évitement en dehors de la chaîne de valeur.
C : Retirer le carbone de l’atmosphère par le biais de puits à l’intérieur et à l’extérieur de leur chaîne de valeur.

L’empreinte carbone et l’initiative “net zéro” sont axées sur les émissions de CO2. Nous travaillons sur d’autres indicateurs qui nous aident à être meilleurs : notre empreinte hydrique pour identifier les besoins en eau pour notre activité, des indicateurs de retour sur investissement (coûts évités, productivité, réduction des risques, augmentation du chiffre d’affaires), la marque employeur (augmentation des candidats qualifiés), la mise en place d’un SROI (retour social sur investissement) et des indicateurs de biodiversité.

L’objectif est d’avoir une approche globale et d’utiliser différents indicateurs : optimisation des processus et des ressources, réduction et sobriété incluses dans notre stratégie de faible émission de carbone. Les indicateurs sont importants, mais qu’en faire ?

Laurent Le Pajolec

Mesures tangibles de durabilité

Après avoir travaillé sur les indicateurs, il est important d’en faire quelque chose. Quel est, dans mon secteur, l’objectif réel à atteindre ? Quel niveau de carbone est correct pour respecter l’engagement de la COP de Paris ? Quelle est mon ambition ?

Nous devons anticiper les questions suivantes : Quelle est la quantité d’émissions à laquelle mon secteur a droit ? Quels sont les classements à venir ? (Chiffre d’affaires, chiffre d’affaires par rapport aux émissions de carbone ou chiffre d’affaires par rapport aux ressources utilisées).

Sur la base des indicateurs, notamment le bilan carbone, nous travaillons sur les principales réductions à opérer en les expliquant aux employés et aux partenaires : réduction des déplacements (avions, voitures au profit du travail virtuel et du train), extension de la durée d’utilisation du matériel informatique, réduction de l’espace de bureau, réduction des coûts énergétiques, etc.

Les aspects RH ne doivent pas être sous-estimés. Nous avons constitué une équipe de projet composée d’employés, de membres du conseil d’administration/partenaires, de spécialistes du changement et de professionnels de différents domaines (processus, changement climatique, biodiversité). Membres du conseil d’administration – Les partenaires doivent donner à l’équipe les moyens de préparer les options et de participer activement au projet.

Éviter l’écoblanchiment

L’écoblanchiment donne une fausse impression ou des informations trompeuses sur la manière dont les produits d’une entreprise sont respectueux de l’environnement. Par exemple : communiquer sur ce qui est facile à mettre en œuvre ou sur les petits gestes à faible impact, ou encore communiquer sur la compensation au lieu de la sobriété et de la réduction. La transparence est une bonne pratique, par exemple en présentant les résultats de la réduction réalisée des émissions de carbone plutôt que le montant de la compensation carbone.

Durabilité, compensation des émissions de carbone et réduction des émissions

La dernière étape de notre stratégie consistait à trouver un moyen de compenser nos émissions réduites ou d’agir positivement sur l’environnement grâce à des projets externes.

Qu’est-ce que la compensation carbone ?

Les compensations carbone sont un moyen d’annuler les émissions de gaz à effet de serre en finançant une activité qui éliminera une quantité supposée égale de dioxyde de carbone de l’atmosphère ou empêchera une quantité égale de pollution par le carbone. Tout le monde peut les acheter, qu’il s’agisse de grandes entreprises poursuivant des objectifs d’émissions nettes nulles ou de particuliers cherchant à compenser des activités à forte émission de carbone comme l’aviation.

La compensation carbone ne peut pas détourner les entreprises de la réduction des émissions. Les premières tâches que nous avons identifiées sont : réduire, optimiser et aller vers la sobriété. Il s’agit de travailler à la réduction de notre empreinte carbone, puis de la compenser grâce à des projets financés par l’achat de “compensations carbone”.

La replantation d’arbres est-elle une solution verte ?

Les arbres stockent le carbone, ce qui ralentit le réchauffement de la planète. Plus l’arbre est vieux, plus il a déjà stocké de carbone et en a besoin. Nous pourrions donc tout aussi bien dire que nous devons conserver nos forêts plutôt que d’en planter de nouvelles, mais allez expliquer cela aux industries de la déforestation. La replantation est une partie de la solution, mais quelles espèces d’arbres doivent être plantées dans quels écosystèmes ou lesquelles seront capables de s’adapter en cette période de changement climatique ?

Anecdote : combien d’arbres seraient nécessaires pour le CO2 émis chaque année ? 1 arbre = 35 kg de CO2 par an. Si l’on additionne le potentiel de 6 GtCO2eq et les 6 GtCO2eq déjà absorbés par les forêts, on arrive à 12 GtCO2eq. Dans les conditions actuelles, il faudrait donc 4,5 planètes pour absorber toutes nos émissions annuelles en plantant des arbres, sans compter les émissions déjà émises par nos activités depuis la révolution industrielle*.

Limites : Selon un rapport, seuls 0,9 milliard d’hectares de terres sont disponibles pour être plantés afin de compenser les émissions de gaz à effet de serre. De plus, certains articles montrent d’autres limites comme les risques de monoculture (moindre efficacité, impact sur la biodiversité…) et les risques de déplacement des populations indigènes… Les scientifiques sont plus prudents quant à l’impact réel de la compensation par rapport à la réduction et à la sobriété. Il est difficile, par exemple, de voir les effets de la plantation d’arbres ou de mangroves à court terme.

Avant de vous engager avec des fondations et des organisations proposant des solutions de replantation, vérifiez qu’elles ne franchissent pas les limites. Beaucoup d’organisations sont mondiales ou locales. Nous citerons par exemple EcoTree (convertir des terres et les transformer en forêts durables), Rainforest Connection (empêcher le reboisement illégal), Ecologi (financer des projets climatiques et compenser), et des actions locales de replantation(en Pologne).

Solutions de développement durable

Time for the Planet – Dividendes climatiques : Time for the Planet est une société à but non lucratif qui collecte des fonds pour investir dans des innovations qui capturent ou réduisent les émissions de carbone. 1 action équivaut à 1 EUR. Ils ne distribueront jamais de dividendes, mais des dividendes climatiques, c’est-à-dire tout le carbone que les innovations permettront d’éviter ou de capturer. Pour avoir un impact mondial, toutes les innovations doivent être ouvertes. NB : Exemple de projets financés qui donneront à notre entreprise des dividendes climatiques : Cool Roof France (Une solution passive et low-tech pour la protection des bâtiments et des villes contre les températures élevées dues au changement climatique) ; Shyva (Améliorer la production d’hydrogène vert avec un procédé organique simple et robuste), Beyond The Sea (Rendre le kite-pulling efficace, universel et essentiel pour les transporteurs de toutes tailles), Carbon Time (Transformer des gigatonnes de CO2 en roche par un procédé naturel), Leviathan Dynamics (Produire du froid efficacement et durablement, en remplaçant les réfrigérants dangereux et polluants par de l’eau)….
1% pour la planète: Collecter 1% du chiffre d’affaires des entreprises pour financer des solutions pour la faune, l’eau, la pollution, la terre, l’alimentation, le climat…
– Investir dans les énergies renouvelables et les sources d’énergie à faible teneur en carbone pour remplacer les combustibles fossiles.

Si nous parvenons à mener à bien les étapes précédentes dans un court laps de temps, nous pourrons devenir des héros du climat et aider nos clients à se transformer.

Utiliser son influence pour faire passer les clients au vert

Nous avons l’intention d’utiliser notre expérience et nos compétences pour aider les clients à se transformer. Tout d’abord, nous leur ouvrirons notre programme de sensibilisation, et nous avons déjà commencé par des ateliers.

Ce changement nous permet d’assurer de nouvelles missions de conseil. (KPI, financement, certification, identification des projets à compenser, comptabilité du triple capital, rapports ESG…)

Le voyage est coûteux en temps et en argent, mais il en vaut la peine. La prochaine génération en a besoin. Soyons tous actifs et changeons le monde. Il n’y a pas de planète B et notre secteur a la possibilité de participer à ce changement positif. Pour conclure, je citerai Saint-Exupéry : “Être un être humain, c’est être responsable”. Agissons.

Sources :

https://www.ecowatch.com/indigenous-lands-climate-goals.html
https://www.net-zero-initiative.com/fr
https://www.stockholmresilience.org/
https://vert.eco/articles/combien-de-planetes-faudrait-il-pour-compenser-lensemble-de-nos-emissions-de-co2-en-plantant-des-arbres

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